La nuit du cirque
11 12 13 NOV 2022

L'événement

© Sébastien Armengol

Pour cette quatrième édition, La Nuit du Cirque se déclinera « À corps et à cri » Le corps, circassien par essence. Le cri à la fois souffle et message. Cri de libération, de colère, de joie, de bonheur, cri du cœur… Un cirque en corps qui crie, décrit, réécrit…

Une Nuit du Cirque comme un manifeste. Un cri pour s’extraire des consensus. Une volonté d’affirmer que les maux du temps présent résonnent dans les corps autant que les mots.

144 établissements culturels s’associent à cette 4e édition pour vous présenter 214 rendez-vous, partout en France et à l’étranger.

La Nuit du Cirque est un événement international organisé par Territoires de Cirque avec le soutien du Ministère de la Culture et l’appui de l’Institut Français, Circostrada, circusnext, BUZZ (Allemagne) et ProCirque (Suisse).

Le mot de Territoires de Cirque

Entretien avec Philippe Le Gal
Président de Territoires de Cirque
Directeur du Carré Magique, Pôle National Cirque en Bretagne

La troisième édition de La Nuit du Cirque en 2021 était celle des retrouvailles après une longue interruption, de la rencontre des artistes et des lieux avec les spectateurs. Quel est pour la création circassienne le contexte dans lequel s’inscrit la 4ème édition de l’événement ?

Philippe Le Gal : Comme les arts voisins, le cirque est traversé par un problème de diffusion. Nombreuses sont les créations ayant vu le jour entre 2020 et 2022 qui ont été très peu vues. À peine nées, elles ont été mises en concurrence avec celles à venir. Les différents acteurs de la profession circassienne – les lieux, les artistes, mais aussi les partenaires publics – s’interrogent et doivent continuer de s’interroger sur la manière de « repêcher » tous ces spectacles qui méritaient de rencontrer leur public. Il y a lieu de questionner cet attrait permanent pour la nouveauté, qui touche autant notre secteur que toutes les autres disciplines : quid de la nécessaire maturation des spectacles qui gagnent en intensité, en qualité, au fil des représentations, quid du répertoire ? En plus de ces sujets partagés par l’ensemble du spectacle vivant, le cirque doit aussi faire face à des problématiques qui lui sont propres. Face à la pression légitime des collectivités territoriales concernant la durabilité environnementale, comment doit-on par exemple penser le futur des créations sous chapiteau qui peuvent s’avérer coûteuses sur le plan énergétique ? Sans compter que l’augmentation des coûts des carburants impacte déjà les budgets d’exploitation des spectacles itinérants, le parc automobile s’avérant fortement énergivore (transport des chapiteaux, tractage des caravanes, etc). Le cirque vit donc très concrètement une période de transition qui est loin d’arriver à son terme. La 4ème édition de La Nuit du Cirque en sera le reflet.

Cet événement offre-t-il des réponses aux questions exposées plus tôt ?

P.L.G. : De par son format ouvert, La Nuit du Cirque permet à de nombreux lieux de se saisir des questions circassiennes selon leur intérêt, leur désir. Il y a matière à créer un événement en marge d’une saison plus classique, de sortir ponctuellement des temporalités usuelles. Le fait que, pour la deuxième année consécutive, la Nuit du Cirque s’étende sur 72 heures favorise l’engagement des lieux en faveur de la création circassienne. Cette durée, ainsi que la totale liberté qui leur est accordée en matière de programmation permet en effet à chacun de programmer des spectacles aux esthétiques complémentaires, voire antagonistes, autrement dit, de thématiser une, deux, voire trois soirées. En parallèle, cet événement permettra de résorber même a minima les difficultés de diffusion de certains spectacles mis en fragilité par la crise sanitaire. Pour autant, ce n’est pas une session de rattrapage mais une fenêtre supplémentaire pour rendre visibles le plus grand nombre de spectacles. Une forme de réponse conjoncturelle aux conclusions du récent rapport de la Cour des Comptes qui pointe une fois encore les problèmes de diffusion des spectacles tous genres confondus.

Le titre choisi pour cette édition de La Nuit du Cirque, « À corps et à cri », suggère une forme de résistance. Concerne-t-elle le contexte que vous venez de décrire ?

P.L.G. : On peut l’interpréter ainsi. Mais surtout, cette formule décrit l’état du corps circassien. L’édition précédente de La Nuit du Cirque donnait à voir des corps fébriles, encore contraints, diminués par le long arrêt du travail qui a été imposé. Aujourd’hui, on observe une forme de libération de l’énergie des circassiens, qui s’exprime notamment par le désir de porter à nouveau des grandes formes, avec de nombreux interprètes. Car depuis le début de la pandémie jusqu’à aujourd’hui, nous avons constaté la multiplication des solos et des duos. On pourra ainsi découvrir pendant La Nuit du Cirque la nouvelle création de la compagnie Ea Eo, Les Fauves, spectacle de jonglage sous chapiteau bulle. De nombreux collectifs également seront au rendez-vous : le Cirque Inextremiste associé au Surnatural Orchestra, le collectif d’équilibristes Courcirkoui, Les 7 doigts de la main… Se préparent encore cette année la prochaine création des compagnies El Nucleo – une étape de travail sera présentée à l’Agora PNC - Boulazac Aquitaine – et du Collectif Le Petit Travers, qui contribueront à faire de 2023 l’année de la reprise des grands plateaux, préalablement préparée cette année.

Et quel est ce cri que poussent les artistes dans la Nuit ?

P.L.G. : Malgré les questions, malgré les doutes qui le traversent, le cirque n’a pas renoncé à s’exprimer sur différents sujets d’actualité. Au contraire, il va de plus en plus loin dans ses prises de parole, en adoptant parfois des formes proches du théâtre. Je pense par exemple à La Conf’ de la Cie La Sensitive, qui aborde d’une manière décalée les problématiques environnementales et a rencontré un beau succès depuis sa création en 2021. Martin Palisse est lui aussi allé très loin dans la narration, le récit autobiographique avec Time to tell – il sera d’ailleurs au Carré Magique durant La Nuit du Cirque –, projet pour lequel il s’est associé au metteur en scène de théâtre David Gauchard. D’autres artistes déploient un regard aigu sur notre monde sans passer par les mots : dans Dicklove par exemple, Sandrine Juglair creuse une passionnante réflexion sur le genre qu’elle mène depuis plusieurs années, avec Blanc, Sébastien Wojdan se livre « à nu », y dévoile ses névroses et sa fragilité dans un mouvement fascinant qui saisit le spectateur. Plus largement, comme ils l’ont toujours fait, les artistes de cirque expriment leur désir d’échapper à toutes les cases, toutes les assignations : ils revendiquent dans ce « cri » justement, des identités complexes, singulières.

À sa création, l’un des objectifs principaux de La Nuit du Cirque était la progression de la reconnaissance du cirque comme art majeur par les spectateurs, les théâtres et les partenaires publics. Cette édition offrirait-t-elle des signes intéressants en la matière ?

P.L.G. : Oui. D’autant plus qu’en 2022, Territoires de Cirque a observé avec bonheur la multiplication de demandes de participation de la part de structures dont le cirque n’est pas le cœur de métier, en particulier des acteurs territoriaux, des collectivités elles-mêmes. Pour s’approprier le sujet circassien, ces acteurs développent des manières de faire différentes de celles des Pôles Nationaux Cirques et des autres structures spécialisées. Ils peuvent aussi mettre en avant des esthétiques différentes. C’est là l’une des grandes richesses de La Nuit du Cirque : n’imposant aucune ligne artistique aux lieux participants, elle offre un très large éventail de la grande diversité du cirque actuel, et de sa capacité à penser et à donner à penser le monde. Sans oublier sa dimension poétique, une esthétique du corps en soi.

Cette année, l’événement se déploie particulièrement en dehors des frontières métropolitaines, dans les Caraïbes ainsi qu’à l’étranger.

P.L.G. : Les territoires ultramarins font en effet une belle entrée dans la Nuit, avec un focus îles de l’Océan Indien – Afrique du Sud animé par Le Séchoir à La Réunion, dirigé depuis peu par l’artiste Gilles Cailleau qui s’empare de l’événement pour travailler à la reconnaissance de compagnies que l’on connaît encore trop peu en Métropole. À l’opposé sur la carte, Métis’Gwa, implanté en Guadeloupe et accélérateur de projets artistiques singuliers entre le cirque et la Caraïbe, intègre La Nuit du Cirque avec la même philosophie. Ces deux structures ont fédéré de nombreux partenaires qui contribuent à révéler la cartographie du cirque actuel, ses territoires pluriels.
Grâce à son partenariat avec Circostrada ainsi qu’avec l’Institut Français, La Nuit du Cirque rayonne au-delà des frontières hexagonales. Freinée par le Covid, cette dynamique internationale s’affirme cette année. Présente dès la première édition, la Belgique est de nouveau au rendez-vous. La Pologne, l’Allemagne et la Suisse, celle-ci de manière autonome, ont rejoint l’événement en 2021. Les relations qui se tissent avec cette dernière sont particulièrement fortes ; à travers ProCirque, une riche coopération s’est mise en place, notamment pour répondre à la nécessité de travailler dans trois langues. De nouveaux pays entrent aussi en jeu cette année : la Croatie, la Lettonie, l’Irlande, le Portugal, le Maroc…

En plus de s’étendre géographiquement, la Nuit progresse par la diversité des formes qu’elle prend d’un lieu à l’autre. Notamment par la présence en son sein de toutes les étapes de la création circassienne.

P.L.G. : Aux côtés des spectacles achevés, le programme de La Nuit du Cirque comprend en effet de nombreuses étapes de travail, plus encore cette année que les précédentes. Il me semble que cela correspond à une tendance de la période, qui vient d’un besoin partagé par les artistes et les spectateurs : celui d’ouvrir le processus de création, d’en faire un espace de partage plutôt que de repli du créateur dans sa bulle. Cela va, je pense, avec l’importance croissante accordée dans le milieu du cirque à la notion de « droit culturel ». En ouvrant les coulisses de leurs créations, les circassiens donnent des clés de compréhension de leur travail, sans ôter au public le plaisir de la surprise, au contraire. Et l’échange régulier nourrit la création, permet de réajuster au besoin, crée le lien, abolit les distances. Le spectateur partage en somme le processus, sans pour autant disposer du « final cut » mais il prend la mesure de son importance, bien réelle. Il n’est pas plus simple destinataire d’une œuvre.

La présence d’écoles de cirque parmi les partenaires de l’événement fait aussi beaucoup à l’ouverture que vous décrivez.

P.L.G. : Parmi les membres de Territoires de Cirque, plusieurs abritent en leur sein des écoles. Il était donc normal pour nous de les intégrer à la Nuit, d’autant plus que la pratique amateur représente une part très importante de la pratique circassienne. Les ateliers et autres propositions de La Grainerie à Toulouse, de La Batoude à Beauvais, ou encore de l’École Nationale de Cirque de Châtellerault, sont des pièces aussi importantes que les autres du grand puzzle qu’est La Nuit du Cirque, à l’image du puzzle plus grand encore qu’est l’univers du cirque contemporain.

D’autres lieux créent pour la Nuit du Cirque des événements à part entière, qui sont d’autres pièces du puzzle. En quoi sont-elles importantes aux yeux de Territoires de Cirque ?

P.L.G. : Il y a par exemple l’anniversaire des Nouveaux Nez à La Cascade, le Pôle National Cirque à Bourg-Saint-Andéol (07). En décidant de fêter leurs trente-et-une années d’existence, Alain Reynaud et les Établissements Félix Tampon qu’il dirige inscrivent en quelque sorte La Nuit du Cirque dans l’histoire de ce champ artistique. En tant que compagnie historique du nouveau cirque, elle donne à la Nuit toute sa légitimité. Au Séchoir à La Réunion, on célèbrera un autre anniversaire, les quinze ans d’une compagnie que l’on a encore trop peu vue en métropole : Cirquons Flex. D’autres lieux ont offert à des artistes dont ils sont proches des cartes blanches. C’est le cas notamment de l’Agora - Pôle National Cirque de Boulazac et de La Grainerie, à Balma.
En plus d’être un espace de diffusion, la Nuit du Cirque est aussi un temps inédit de création, d’invention.

Propos recueillis par Anaïs Heluin

L’équipe de la nuit du cirque

Secrétaire générale de Territoires de Cirque,
direction éditoriale et coordination de la Nuit du Cirque
Delphine Poueymidanet

Assistée par
Sophie Raoult, Nos publics

Design graphique
Pierre Tandille et Magali Brueder, Aéro Club

Site internet (design et code)
Salomé Macquet

Communication web
Annelise Guitet

Relation presse nationale
Carine Mangou
En collaboration avec
Virginie Ferrere et Guillaume Alberny

Traductions anglaises Jeremy Mercer

Journaliste
Anaïs Héluin


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